Ce n’était pas assez.
L’obsession fait partie de mon trouble alimentaire.
Lorsque j’ai débuté un plan alimentaire au début de ma ‘remise en forme’ il y a quelques années et que j’ai été conscientisé à la nourriture, aux groupes alimentaires et comment faire des meilleurs choix… j’ai perdu du poids. Oui.
Plus les semaines avançaient, plus le poids descendait… ça fonctionnait!
Pour moi, qui a un tempérament assez intense et excessif, je me suis donnée à 300%, comme dans tout ce que j’entreprends. J’ai voulu en avoir plus, en savoir plus.
Au départ, c’était une assiette équilibrée à compter mes portions. X portions de viandes et substitut. X portions de fruits. X portions de féculent. Comprendre ce qu’était une assiette équilibrée et faire de meilleurs choix quotidiennement. Lire les étiquettes. Lire les valeurs nutritives. Comparer les aliments. Enlever les mauvaises habitudes. J’étais assidue. J’étais vraiment bonne. Une cliente parfaite finalement. Je me faisais des tableaux avec des ronds pour chaque portion. Je dessinais les ronds tous les jours, tous les repas, pour m’assurer que je complétais ce qui m’était demandée. Quotidiennement.
Ce n’était pas assez.
J’en voulais plus. J’ai commencé à calculer mes macros. Un aliment n’était plus un aliment. C’était un glucide, un lipide ou une protéine. Je connaissais par cœur le contenu de tous les aliments que j’ingérais. Je n’avais plus juste les calories qui comptaient, ni les groupes alimentaires. J’avais maintenant un % à respecter pour chaque macro. Un nombre de grammage à respecter quotidiennement. Ça fonctionnait tout aussi bien… le poids continuait de descendre. J’étais en parfait contrôle.

Ce n’était pas assez.
J’ai commencé à calculer mes macros par repas, et non plus simplement pour ma journée totale. Chaque repas était bien divisé, pour m’assurer d’un apport ‘équilibrée’ dans ma journée, pour m’assurer de ne pas « buster » mes glucides trop tôt dans la journée tsé! Chaque repas était méticuleusement calculé, planifiée. Aucune spontanéité.
Une certaine application de calcul des calories et des macros est devenue mon nouvel allié (et finalement avec le recul, mon pire ennemi!). Chaque dimanche, je planifiais mes repas, mes collations et je les entrais dans mon application à l’avance. Ma semaine AU COMPLET était planifiée au gramme près.
Je me préparais des supers bonnes recettes par contre! Mais il fallait que le livre de recette indique ces valeurs nutritives pour que je m’y intéresse. Et même avec cela, je recalculais TOUT en faisant la recette. Chaque aliment, chaque portion était pesée sur ma balance et calculé dans mon application. S’il fallait que je mange 10 calories de plus que ce qui était indiqué dans le livre… !!!!
Ce n’était pas assez.

Un moment donné, tu atteins un plateau. Mon corps me jouait des tours et mon contrôle absolu ne réussissait plus à déjouer la balance, ni l’impédance. Alors on coupe. On coupe plus. On contrôle encore plus. On change les ratios de macros. On déjoue le corps pour pas qu’il ne s’habitue.
Je me rappelle chaque fois que j’allais au resto avec mes collègues ou avec des amis, je devais voir sur le web si les valeurs nutritives du restaurant étaient accessibles. Il le fallait. Je pouvais ainsi, calculer ma journée en conséquence, adapter mes collations et mes autres repas pour « faire balancer ma journée ». Je choisissais mon menu par ses valeurs nutritives et non par ce qui me tentait. Si ce n’était pas accessible, je faisais des recherches sur le web pour trouver des équivalents. J’étais stressée juste à l’idée de ne pas savoir le continu de mon assiette en gramme, en protéine, en lipide et en glucides.

Aller manger ailleurs… la pire des activités pour mon mental. Je stressais à l’idée de ne pas avoir le contrôle sur mon assiette. Ne pas savoir ce que la personne cuisinerait! Des fois, je me permettais de demander ce qu’on allait manger, avant mon arrivée, pour pouvoir planifier ma journée en conséquence. Y aller avec mes connaissances en sachant combien de grammes j’aurai dans le repas prévu.
Un certain Noel, j’avais apporté mon propre repas. Question de bien contrôler tsé! Le dessert? C’était un sunday aux fraises avec crème fouetté… je me suis permise une fraise. Une petite fraise, seule dans mon assiette…. Oh mon dieu que je culpabilisais. La fraise n’était pas prévue dans ma journée. Ce Xg de glucides était clairement de trop. Je capotais ma vie, tout simplement.
Ce n’était pas assez.

Comment atteindre un physique ultime. Celui que j’idolâtrais en regardant les autres. Et ce fût le début des compétitions de fitness.
Pendant toute ces années, mon trouble alimentaire avait le contrôle sur moi. Il dictait ma façon de penser, ma façon de manger, ma façon de culpabiliser. Ma priorité était le contrôle de ma nutrition. Je mangeais avec des statistiques, des chiffres, des grammes, des poids d’aliments. Je n’écoutais pas mon corps, sa faim ni sa satiété. Je mangeais ce qui était prévue. Point.
Maintenant, je lui dis CHO-BYE la balance nutritionnelle. Je combat tous les jours les pensées du trouble alimentaire qui voudrait bien, que je revienne sur mes anciennes habitudes, mes anciens contrôles… mais non. Jessica est plus forte que le trouble alimentaire.



Une réflexion sur “La fois où manger une fraise était la fin du monde”