Chère Anna

Ma chère Anna, il est peu courant de s’adresser à une maladie, mais aujourd’hui, je veux mettre un terme à ta vie. Je veux que tu désertes mon corps et mon esprit. Tu n’as plus rien à faire ici.

Bon nombre d’années se sont écoulées à tes côtés. Beaucoup trop de fois, tu m’as mise en danger. J’aimais pouvoir tout contrôler, mais ce contrôle m’a privée de ma liberté. Je n’étais plus libre du regard que je portais sur moi dans le miroir, c’était toi qui dictais tout.

Tu m’as rendue triste, maigre, faible, pâle, solitaire, dépressive…À cause de toi, je suis devenue ce que je n’aurais jamais voulu devenir.

J’étais malade, mais je ne le voyais pas.

Il a fallu que tu m’emmènes bas, trop bas pour que je m’en aperçoive. Tu m’empêchais de vouloir guérir.

La guérison, ça mène à quoi? Ça mène où? À accepter de manger, à arrêter de tout contrôler, à cesser de compter les calories, à s’accepter et à prendre du poids. Crois-moi, ça je ne le voulais pas.

Ma chère Anna, un jour, mon corps n’a plus supporté ta présence. Je maigrissais et tu devenais de plus en plus lourde sur mes épaules. Tu prenais de plus en plus de place. Je perdais mes cheveux par poignées, j’avais constamment froid, je ne parlais plus à personne, j’avais la peau qui craquait et je ne tenais presque plus sur mes jambes…

Alors, je me suis écroulée dans le bureau du médecin. Mon corps et ma tête étaient fatigués. Ils demandaient seulement à se reposer, un instant, loin de toi et de tout ce que tu imposais. Alors, j’ai été hospitalisée. Je devais me réalimenter.

Dans cette chambre froide, pendant trois mois, je suis restée. Voilà où tu m’as menée.

J’ai pleuré pendant des heures à me demander comment j’avais fait pour en arriver là. Je ne savais pas comment il était possible que je ne m’en aperçoive pas pendant tout ce temps.

Ma chère Anorexie, la mort m’avait ouvert les bras, mais j’ai choisi la vie.

J’ai choisi de guérir!

Maude Blouin

Une réflexion sur “Chère Anna

  1. Merci pour ce texte poignant ! Je pense que cette maladie dont tu parles a vraiment du te faire passer par beaucoup de phases différentes qui t’ont permis de te connaître ! En début de lecture, j’ai eu peur, ça me faisait tellement penser à moi, comme un effet miroir même s’il ne s’agit pas de la même maladie puis, j’ai eu espoir ! Et aujourd’hui quand je vois tout l’amour que tu réussis à te porter je ne peux qu’être admirative de ta force de caractère !! Bonne journée et encore merci pour ton partage qui m’a donné le sourire (et du courage) !

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