À plusieurs reprises, je me suis dit que je devrais faire part de mon histoire, témoigner de mon parcours. Je ressens cela comme une véritable mise à nu. Je n’ose pas, je crains des réactions. Parce que oui, plusieurs personnes ne comprennent toujours pas, ou du moins, ne respectent pas le vécu des autres. J’entends fréquemment des propos désobligeants face à des gens ayant vécu un burnout, ayant vu un psychiatre, prenant des anti-dépresseurs ou ayant séjourné dans un centre hospitalier en psychiatrie. Et, pourquoi certaines personnes se permettent des jugements gratuits? L’ignorance amène le jugement. Faire preuve d’ouverture aux douleurs d’autrui permet de faire tomber le mépris et l’incompréhension.
Pour cette raison, je dévoile ce passage de ma vie. Passage obligé. Passage qui m’a permis d’être qui je suis et j’exprime de la gratitude pour cette période plus qu’éprouvante.
Le 2 juin 2014, j’ai décidé de me rendre de mon propre chef à l’urgence de l’Hôpital Charles-Lemoyne. Je n’étais plus maître de mes pensées. Envahissantes, troublantes de noirceur, ces pensées rongeaient depuis de très nombreux mois tout le positif de mon esprit. Elles m’aspiraient dans des profondeurs jamais visitées. Plusieurs mois auparavant, mon anxiété, cette petite bébitte qui ne nous quitte jamais totalement, est revenue me rendre visite. Elle s’est réinstallée dans ma tête. Cette bébitte qui m’avait grugée des moments d’enfance est revenue tisser son nid dans ma tête. Lentement mais sûrement, elle s’est créée des chemins dans toutes les sphères de mon esprit. L’anxiété généralisée m’a figée. Le matin, au réveil, me lever était pénible. J’avais peur de tout. La peur d’avoir peur. La peur de rien et de tout. Incapable de m’occuper de mes deux garçons, j’avais de l’aide au quotidien. Recroquevillée sous les couvertures, j’aurais voulu disparaître. Je ne comprenais pas ce mal et où il avait pris racine. Je n’avais même plus la force de me questionner, de faire de l’introspection ou de prendre action dans ma vie.
Ces pensées anxiogènes se sont transformées. Devenues menaçantes, elles me proposaient des scénarios lugubres avec pour seule issue une mort certaine. Moi, dans un cercueil après une mise à mort volontaire et soulageante. Ces pensées n’étaient pas les miennes, ce sont cette bébitte transformée en monstre lugubre qui me les suggéraient. Cette fin devenait envisageable. Probable. Souhaitée. Le 2 juin 2014, une force surhumaine m’a amenée à dénoncer cette portion de mon esprit qui ne m’appartenait pas. Une lueur est apparue; celle qui m’a dit que c’était peut-être possible de redevenir moi-même. Comment y parvenir? Ça, je ne le savais pas. Mais, j’ai donné une chance à la Vie.
Les personnes qui me connaissent de près et même de loin savent que je suis très positive, souriante et tournée vers le bonheur des autres. J’ai toujours eu le bonheur facile. Émotive, généreuse, c’est ce que je suis. Celle que j’étais devenue, ce n’était pas la véritable moi. C’était une femme malheureuse et désemparée.
C’est donc le 2 juin 2014, comme dans un film, la main sur la poignée de porte de ma thérapeute, prête à partir, que je lui ai dit que j’avais menti. Que la raison de ma visite n’était pas celle expliquée pendant le rendez-vous. Que la raison était cette lettre dans ma table de chevet et ce projet dévastateur dans ma tête. Mon parcours de vie a changé à cet instant. Plus rien n’allait être pareil. Je m’étais dévoilée, mise à nue. De par la nature de mes propos, elle a eu l’obligation de me garder avec elle. Mon père a été appelé et est venu nous rejoindre. Son regard. Ses yeux effrayés par cette nouvelle. Lui qui m’avait accompagné dans tant d’aventures folles et joyeuses devait maintenant m’accompagner à l’hôpital, à ma demande.
À l’urgence, j’ai demandé à ce qu’on me garde. Que je craignais mes mains qui me voulaient du mal et cette bébitte dans ma tête. J’ai séjourné deux semaines à l’hôpital. C’est en présence de professionnels de confiance que j’ai compris ce que j’avais: une vie que je ne voulais plus, que je ne voulais pas. Je ne voulais pas m’enlever la vie mais la changer au grand complet.
Ça me semblait si gros que je n’y avais jamais songé. J’étais malheureuse et j’avais la possibilité de changer le cours de mon existence. J’ai fait d’énormes changements dans ma vie et je l’ai dessinée à ma manière. Le soutien de ma famille, l’énergie vive de mes fils et ma propre personne qui revenait à la vie sont les raisons de mon retour. Ce passage obligé n’est pas la faute de personne, je tiens à le préciser. C’est une accumulation de petits malheurs, c’est une anxiété incontrôlée, c’est une dépression, ce sont de grandes peines et la déception de ne pas être celle qu’on espérait. C’est la lourde charge mentale des mères. C’est la culpabilité. C’est du malheur.
Le message que je souhaite laisser est le suivant. Cessons de dire les fous dans les asiles, il faut être faible pour prendre ce type de médicaments. Quand ça ne va pas à ce point, des organismes existent et les hôpitaux sont aussi là pour ça. Ce séjour m’a sauvé la vie. Cette équipe en psychiatrie me comprenait et m’a aidée. Oui, j’ai pris des médicaments. Oui, j’ai été en arrêt de travail. Savez-vous quoi? Quelques mois plus tard, j’étais de retour. Heureuse. Moi.
Toi. Oui, c’est à toi que je m’adresse. Ton anxiété peut être soulagée. Ta dépression peut se guérir. Tes pensées destructives te quitteront. Demande de l’aide. Fais confiance et aie confiance. Sous toutes ces pensées qui ne te ressemblent pas, une lumière vive n’attend qu’à jaillir à nouveau.
Avec amour et gratitude, Marie-Claude
